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Comment concilier national, régional et local ?

Pendant longtemps, les stratégies média — et hors média — se sont construites selon une approche « top down » : on commence par une réflexion nationale, puis on descend au niveau local, bien souvent avec « l’argent qu’il reste ». Le régional, quand il existe, étant alors vécu comme un pis aller, lorsqu’un annonceur n’a pas les moyens ou la distribution suffisante pour se payer une approche nationale. Ce genre d’approche est malheureusement particulièrement inefficace …

Aujourd’hui, grâce à une réflexion qui s’appuie sur les points de contacts entre un individu et une marque ou un produit (Touchpoints) et à l’analyse du parcours client (“conversion funnel”), ou encore à l’arrivée de nouvelles opportunités liées aux media digitaux, on a redécouvert une vérité essentielle trop souvent perdue de vue : « le business est avant tout local » . Un habitant de Carpentras ne va pas aller acheter sa bière à Amiens. Même pour des produits ou des biens d’équipement achetés online, la visite en magasin, le contact physique avec la marque ou les produits reste essentiels (c’est la complémentarité décrite par l’acronyme ROPO : research online purchase offline ou l’inverse ).

Alors, comment construire efficacement une stratégie média et hors média en conciliant national, régional et local ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.

 

Des niveaux complémentaires…

Si l’on se rappelle que le mediaplanning, c’est “l’art de délivrer de manière efficace le bon message à la bonne personne au bon moment”, on comprend aisément que pour construire un dispositif média et hors média optimisant la synergie entre national, régional et local, il ne faut pas opposer ces différents « niveaux » de communication ou les considérer « en silos ». Il faut dès le départ les penser comme complémentaires ! Tout est alors une question de cibles et d’objectifs : à chaque couple de cible et d’objectif correspond un type de media particulièrement adapté.

 

  • Les medias nationaux servent à construire (et à entretenir) une notoriété et/ou une image de marque. Ils répondent donc à des objectifs très globaux et généraux. Ils bénéficient de coûts contact relativement faibles et s’adressent à des cibles forcément larges : dès que l’on parle en télévision ou en affichage, on utilise de vrais mass-media, c’est à dire des medias fait pour toucher un grand nombre de gens. C’est la force et la faiblesse de ce type de média. Carrefour a par exemple récemment lancé une campagne nationale intitulée « J’optimisme ». Cette campagne sert à positionner l’enseigne au niveau national : il s’agit de faire passer aux consommateurs un message positif, de proximité. Les medias nationaux correspondent forcément à une approche “one to many”.
  • Les medias régionaux permettent d’affiner cette première approche, le plus souvent parce qu’ils permettent de limiter la déperdition d’une communication en s’adressant à un sous-groupe défini géographiquement. Si une marque n’a pas une distribution nationale, ou bien si la consommation du produit varie selon les régions (l’huile d’olive) ou la météo (on vend mieux les glaces là où il fait chaud!), ou plus simplement encore si une offre promotionnelle est circonscrite à certains magasins, il est regrettable de payer pour des contacts qui ne servent à rien (l’offre n’est pas disponible, le produit n’est pas distribué …) ou de délivrer un message peu approprié et donc peu efficace… Ce sont là autant d’occasions de travailler sa communication à un niveau régional, forcément plus efficace.
    Les medias régionaux correspondent souvent à une approche “one to few”, car ils permettent de s’adresser à une sélection de gens avec qui l’on partage quelque chose (un accent, une température extérieure de 30° ou la fierté d’être corse). Ce “quelque chose partagé” peut bien souvent être mis en avant dans la communication pour permettre de démultiplier l’efficacité de la communication. Au niveau régional, la communication de Carrefour se concentrera plus sur le savoir-faire de ses bouchers qui achètent localement de la viande française ou mettra en avant son large rayon bière dans les zones ou la météo dépasse les 28°C…
  • Les media locaux sont incontournables (ou plutôt, devraient l’être) car ils puisent leur efficacité dans leur proximité physique avec la cible et l’acte d’achat. Ils sont en ce sens la complémentarité indispensable de la communication nationale pour favoriser le “passage à l’acte”. La publicité nationale TV va me donner envie du produit, mais c’est la mise en avant de sa promotion dans le magasin que je fréquente régulièrement qui va me faire l’acheter. L’un aurait pu marcher sans l’autre, mais c’est la combinaison des 2 qui assure la meilleure efficacité, la meilleure synergie.

 

Il n’y a rien de pire pour une marque ou une enseigne que de communiquer nationalement pour s’apercevoir que le trafic ainsi créé est finalement détourné localement au profit d’un concurrent ou d’une enseigne qui a su habilement capter ces consommateurs abandonnés dans les derniers mètres.

La communication locale, ce n’est pas simplement se contenter de reprendre le même message en le reproduisant sur d’autres supports. C’est forcément construire un message complémentaire du message national, un message qui répond aux besoins et aux attentes locales du consommateur, qui le fasse se sentir concerné, qui crée l’engagement ou facilite le passage à l’acte (en indiquant clairement l’emplacement du magasin par exemple).

Pour être pleinement efficaces, les medias locaux nécessitent une approche spécifique, construite à partir d’une information aussi fine que possible sur les consommateurs (à partir de données CRM de consommation sur la zone de chalandise, d’information sur les concurrents et leurs offres ou sur les habitudes de ceux qui habitent et/ou transitent dans la zone…). C’est pour cela que la communication locale est souvent pragmatique, notamment par la mise en avant de services, de promotions, de prix pratiqués, qui correspondent aux besoins et aux aspirations des clients.

Ceci mérite un commentaire complémentaire : il faut prendre l’appellation “medias locaux” au pied de la lettre (un media est un support qui permet de diffuser un message auprès d’une cible donnée) et non dans le sens restrictif qu’on leur donne trop souvent (les mass-media commercialisés localement). Parmi les medias locaux les plus efficaces, on retrouve nombre de media du magasin : le catalogue, l’affichage local (y compris longue conservation), la présence internet et mobile (SEM, sites, display …).

Le degré ultime du media local, c’est le “one to one”. C’est la nouvelle frontière vers laquelle tend la communication digitale enrichie par le big data. Cette communication est la plus à même de générer un passage à l’acte, car elle s’adresse au(x) client(s) ou prospect(s) de la marque en lui parlant de ce qui le concerne directement, des offres qui lui sont faites ici et maintenant : elle permet de créer un réel engagement, elle « prouve » au niveau local cette proximité revendiquée nationalement … Seul inconvénient, son coût contact est forcément plus élevé, mais si la communication locale est bien gérée, son ROI est souvent excellent…

 

Bien entendu, comme au final il n’existe qu’une marque et qu’un individu, il faut que tous les messages de la marque se renforcent sans jamais lutter les uns contre les autres… Il faut donc avoir conscience qu’il doit s’agir de 3 facettes d’une seule et même communication, celle que l’annonceur, la marque ou le produit doit entretenir avec son client présent ou futur. En effet, toute pensée trop segmentante ne permettra pas d’optimiser la synergie entre les différents moyens employés.

 

Les enseignes sont à ce titre des annonceurs particulièrement concernés par cette logique. Une enseigne a besoin d’avoir une certaine notoriété pour attirer les clients. Très vite sa notoriété n’aura pas de sens que si elle sert à construire une image. Nous sommes jusque là dans le domaine des mass médias nationaux. Une approche régionale peut permettre d’aller un cran plus loin, en adaptant le message à une cible mieux définie. Mais c’est grâce à sa dimension locale et à la richesse d’un ciblage ultrafin que la communication prendra toute son efficacité.

 

Avec la participation de Marc Lewitanski

Crédit photo : Pixabay / PublicDomainPictures